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Camille through the looking-glass
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  • Photos, croquis et textes d'un peu tout et n'importe quoi provenant de la caverne d'Ali Camille pour un peu plus de magie, rires, larmes et envies. Une collection de pensées et de couleurs où "la corvée d'être utile est épargnée aux choses".
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Camille through the looking-glass
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21 septembre 2011

Et Maintenant on va où ?

C’est à la fin du film, Et maintenant on va où ?, que les personnages s’interrogent soudain sur cette question mise en avant dans le titre. Question universelle que Nadine Labaki pose là comme une évidence et dont elle se sert pour mettre en image un conte intelligent et humoristique. Cette histoire est un conte, une métaphore illustrant le bout du bout du chemin et l’échec des religions à faire avancer le Monde.  

Et-maintenant-on-va-où

Traité comme une histoire imaginaire sans réelles dates, ni faits précis (même si l’on devine les traces de l’Histoire du Liban), ce conte relate les petites aventures et astucieuses idées d’un groupe de femmes cherchant à éviter qu’un conflit violent éclatent entre les hommes du village. Parce qu’ils appartiennent à deux groupes religieux différents une simple petite étincelle semble pouvoir mettre en péril l’apparente paix qui règne dans cet endroit isolé, tout à la fois divisé et uni. Parce qu’elles ont perdu bien trop de personnes chères à leurs cœurs, les femmes du village ne veulent en aucun cas que des événements extérieurs influencent par leurs bêtises la paix conquise à force de respect et d’amitié.

C’est à la fois un Roméo et Juliette, un Lysistrata et un conte unique que Nadine Labaki met en place. Dès les premières images, le film est placé sous le signe d’un récit appartenant à l’ordre de l’imaginaire (collectif). Des femmes, habillées de noir qui avancent en un groupe soudé et qui petit à petit offre une chorégraphie rythmique dans ce désert sec qui mène au cimetière. Une image très belle qui rend tout de suite le caractère du film, plongé dès lors dans une atmosphère mi- terrestre, mi- fabuleuse. La mise en jeu se fait très simplement au travers une chorégraphie simple et naturelle, dans un prologue qui offre avec générosité les corps soumis à la pression du groupe et pose tout de suite les enjeux et outils du film : l’idée de cohésion, l’aura musicale, la force de la Femme et le tremblement de la Terre sous les pas de nos pieds qui avancent.  

Et Maintenant on va où ? est un film choral, dans tous les sens du terme. Il est à la fois un film à plusieurs personnages, où plusieurs voix se font entendre dans leur  unique timbre. Il n’y a pas qu’une héroïne qui dicte les enjeux mais bien plusieurs. Voix de femmes de différents âges, de différentes cultures qui par la force des choses se retrouvent unies dans un combat pacifique contre la montée de la violence. Ses femmes finiront par littéralement chanter en chœur, lors de la préparation de leur plan final (à savoir la fabrication de « party cake », gâteau fourré de Haschisch et autres médicaments trouvés dans les placards de chacune).


Petits plats au Haschish extrait de Et maintenant on va où ?

Cette scène n’est d'ailleurs pas sans rappeler la préparation du gâteau pour le Prince par Peau d’Âne dans le film de Jacques Demy, (ou même du film Hic, par le hongrois Gyorgy Palfi).


Gâteau d'amour extrait de Peau d'âne

Dans une humeur joyeuse commune et en chanson les femmes préparent le remède au conflit, formule magique qui les fera rire plutôt que s’engueuler.

Les moments chantés ne font pas pour autant du film une comédie musicale, c’est plus un moyen pour plonger le film dans l’atmosphère du conte, de la fable universelle, et fait plus écho au rôle des chœurs présents dans les pièces de théâtre antiques, et notamment dans Lysistrata d’Aristophane ; dont le sujet est quelque part assez proche mais traité avec un peu plus de délicatesse par Nadine Labaki. Puisque dans Et Maintenant on va où ?, il n’est pas question de faire une grève du sexe, mais plutôt d’utiliser des moyens plus subtils pour faire prendre conscience aux hommes de leur propre bêtise dans leur insistance à créer et trouver le conflit.

L’histoire d’amour entre Madame Amal, veuve chrétienne et propriétaire du bar, et Rabih, jeune musulman qui repeint les murs du Café, n’est qu’un prétexte pour montrer que l’Amour Impossible comme dans la fameuse histoire de Roméo et Juliette, n’est créé que par l’Homme lui-même. La barrière religieuse peut facilement être retournée et n’est finalement qu’une excuse pour se protéger de sa peur, et, du monde, et, des Autres.

et-maintenant-on-va-ou-2011-21698-543626321

C’est l’événement final et l’inversion des religions qui surligne le burlesque dans la croyance, et qui pousse les Hommes à soudain se demander : « Et maintenant ? On va où ? » L’Homme butte au bout du chemin tracé par la religion et réalise soudain que tous ces conflits et ces croyances ne l’ont mené nul part si ce n’est qu’à la division. Et il est intéressant de constater que c’est à peu près la même question que fini par se poser le nouveau Pape du dernier film de Nanni Moretti, Habemus Papam, film sorti en France une semaine avant celui de Nadine Labaki et tous les deux présents au Festival de Cannes de 2011. Merveilleusement touchant, Michel Piccoli incarne ce Pape nouvellement élu qui réalise soudain qu’il ne peut pas faire ce que l’on attend de lui (le paradoxe étant que justement parce qu’il se retire, il était sûrement parfait pour la tâche à accomplir) et soudain offre le possible d’une révolution des idées sur la croyance et la religion. Le nouveau Pape renonce à sa nomination, et quant au prêtre et à l’Imam du petit village libanais, ceux-ci s’en vont tout simplement et renonce également à leur position de chefs d’Église. Jolie résonnance entre ces deux films Méditerranéens. Et tout à coup le Cinéma semble réaliser que le monde est dans un cul de sac, et soudain l’Homme peut se poser la question : « On va où maintenant ? » Il était temps.

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